Ulysse & Cyrano

Cette bande dessinée est une œuvre d'art !
De la superbe couverture colorée pleine de poésie, au découpage des planches, toutes différentes, pleine page, demie page, encarts, incrustations, en passant par la patte de l'artiste qui joue avec les pastels, les ombres, les différentes vues, donnant l'impression de parcourir des peintures, avec un dessin qui alterne le précis et le suggestif, des traits grossiers mais une foultitude de détails ... j'en ai tellement à dire que j'en suis même incapable de mettre un point ma phrase.

Au magasin, trônant en évidence, mais en même temps comment le rater, je m'en suis approché parce que les avis étaient dithyrambiques. Même si la couverture pouvait attirer l'œil, en parcourant quelques pages, je n'étais pas certain d'adhérer. Le style, l'histoire, moi qui suis habitué à de la fantasy, était-ce vraiment un bouquin avec lequel j'allais passer un bon moment. Et puis, 35€, plus cher que deux BDs.
Mais quand même, ce livre avec cette couverture pastelle et granuleuse, ce format plus grand qu'une BD, et ses 180 pages ... la curiosité fût la plus forte. Et je l'en remercie !

La lecture va me prendre une semaine, rien qu'en cela, j'aurai largement amorti son coût. Pourquoi autant ? Déjà parce que chaque page mérite d'être lue et vue, et qu'il est difficile de faire les deux en même temps. Je prenais d'abord possession de l'histoire, passant d'une bulle à l'autre, puis je me reculais pour observer l'ensemble, appréciant le style, la lumière si différente entre les décors intérieurs et extérieurs, ces tonalités forcées pour exprimer le froid et la solitude, le confort de la chaleur, la nature paisible. Et enfin j'admirais les détails, me mettant même à saliver devant cette belle assiette de pâté en croute avec son cornichon sur le dessus. Ensuite il m'arrivait régulièrement de revenir un peu arrière en reprenant ma lecture pour me réimprégner de l'ambiance. Et puis je crois finalement que j'avais envie de le faire durer, car j'avais plaisir et impatience à le retrouver le lendemain.

Après l'aspect artistique, il faut relever la narration. L'histoire est charmante, portée par de l'espoir et des émotions, une naïveté d'adolescent qui se heurte au réel abrupte de la vie, mais qui avec une bonne morale, persiste et signe dans ses folles convictions. Les deux héros sont touchants, l'un par son histoire passée qui a forgé son caractère renfermé et solitaire, l'autre par son histoire à venir, dictée par ses origines et les aspirations familiales. C'était une belle idée de les faire se rencontrer, au travers d'un sujet qui nous inspire tous : la bonne cuisine. Cela touche le cœur et l'estomac, un bon met, un vin savoureux, c'est du bonheur en page.

On suivra donc l'apprentissage, le ventre gargouillant, en espérant une belle histoire qui nous rassasiera. Je n'en dirai pas plus, mais j'ai terminé ce livre repu et le sourire aux lèvres. J'ai aimé l'évolution des personnages, la force des caractères secondaires, les engueulades et les réconciliations, les retournements de situations, et la conclusion pleine d'humanité, qui sait en finir en douceur sans surenchère.

J'admire cette BD parce que j'ai trouvé une harmonie magnifique entre le texte et les images, comme s'il était d'évidence qu'ils devaient se rencontrer pour nous jouer ensemble cette tranche de vie. C'est une belle histoire, une belle BD et un bel objet, une véritable œuvre d'art dans ma bibliothèque.