La Terre verte

MON AVIS
Même si cela n'est pas annoncé ouvertement (hormis en dos de couverture), le personnage qui mène cette histoire est le roi d'Angleterre Richard III. Au lieu de le faire mourir à la bataille de Bosworth en 1485, Ayroles le récupère et l'envoi se réfugier au Groenland.
Empruntant ses célèbres traits de caractères (usurpateur, meurtrier, tyrannique et fou) mis en avant dans la pièce éponyme de Shakespeare, l'auteur va s'attacher à lui faire conquérir un territoire pour une couronne sans valeur.
Le machiavélisme de cet homme est magnifiquement amené tout au long des 5 actes de cette œuvre qui se veut théâtrale. Fidèle à sa réputation de fine plume, Ayroles que l'on adore déjà pour les alexandrins de la série De Capes et de Crocs, va faire jouer à son roi une tragédie superbement narrée, aux tournures de phrases finement ciselées et empruntes de poésie, dans la pure tradition Shakespearienne.
Richard va progressivement manipuler tout le monde, le peuple, le conseil, les femmes, l'évêque, pour asseoir son emprise et son pouvoir sur ces terres froides du bout du monde.
La Terre Verte se veut satire pour dénoncer les nombreux défauts de l'homme :
- La religion qui endoctrine, qui convoite la richesse de ses croyants, et impose l'inquisition pour les autres.
- La tentation et l'avidité qu'apporte la moindre position hiérarchique pour accaparer les biens d'autrui.
- Le pouvoir, qui corrompt l'homme et l'esprit, pouvant le mener aux pires exactions pour assouvir son but.
Elle met aussi en avant l'absence d'humanité et de respect pour la faune et la flore au travers du massacre des forêts et des animaux dans le seul but de s'enrichir (la plage jonchée de centaines de morses tués pour leur ivoire est à fendre le cœur tant on sait que cela a réellement existé).
Et elle démontre la bêtise au travers de nombreux exemples, comme cette simple phrase "Dans le temps, les morses, il s'en tuait des cents et des mille... mais peu à peu, sans raison, les troupeaux ont diminué, puis disparu."
Mais aucune morale dans la volonté de l'auteur, les faits suffiront largement à vous la faire comprendre.

Le dessin à la ligne claire est assez simple et permet de se focaliser immédiatement sur les personnages et leurs expressions. La palette de couleurs est variée et renforce des ambiances adaptées aux situations (bleu pour le froid, vert pour le printemps, rouge pour les combats).
La narration est très dynamique, il n'y a aucun temps mort malgré ces 250 pages, et on se retrouve complètement captivé à la fois par le lieu, son folklore, mais surtout par la folie de cet homme et les conspirations pour parvenir à ses fins.
Une BD qui mérite haut la main sa place dans la bibliothèque, et que je relirai avec plaisir sans aucun doute.