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Sous les projecteurs de HomeLord en BD - Thriller |
Emil FERRIS 416 pages Date de sortie : 23/08/2018 Images de Livre premier (3)
PRESENTATION Chicago, fin des années 1960. Karen Reyes, dix ans, est une fan absolue des fantômes, vampires et autres morts-vivants. Elle se voit d'ailleurs comme un petit loupgarou : d'après elle, dans ce monde, il est plus facile d'être un monstre que d'être une femme. Un jour de Saint Valentin, au retour de l'école, Karen apprend la mort de sa belle voisine, Anka Silverberg, une survivante de l'Holocauste. Elle décide alors de mener l'enquête et va vite découvrir qu'entre le passé d'Anka au coeur de l'Allemagne nazie, son quartier en pleine ébullition et les drames qui, tapis dans l'ombre de son quotidien, la guettent, les monstres bons ou « pourris » sont des êtres comme les autres, complexes, torturés, fascinants.
MON AVIS  C'est une œuvre monumentale que nous offre la dessinatrice Emil Ferris ! Avec tous ses bons et ses mauvais côtés. Coup de cœur ou pavé indigeste, chacun son avis, pour ma part j'oscille entre les deux. Déjà pour cadrer le support : il s'agit d'un roman graphique cherchant à reproduire le journal intime d'une écolière de 10 ans dans son cahier avec des lignes et une marge. L'autrice couvre le papier de croquis entièrement griffonnés au bic avec des teintes principalement noires, rouges et bleues. Ce qui va marquer pendant toute la lecture, c'est la qualité du trait, en alignant des hachures, elle va réussir à restituer des formes, des visages, des peintures, des tableaux d'une justesse impressionnante. Ce ne sont que des traits, mais la minutie qu'elle y donne les transforme en art. Vous pourrez passer de longs moment à apprécier une page, et à imaginer le temps de dingue qu'elle à dû y passer pour un tel résultat. Si en plus vous connaissez le contexte de la génèse de cette œuvre, à savoir qu'Emil a été frappée par un virus la rendant handicapée à l'âge de 40 ans, et qu'elle s'est battue pour recouvrer partiellement l'usage de sa main en pratiquant le crayonné pour la réaliser, cela force le respect et l'admiration. Pour l'histoire, nous sommes dans la fin des années 60, grande époque des films d'épouvante, des séries horrifiques, de Vincent Price, et des magasines associés. D'ailleurs Emil va nous régaler en passage de chapitre avec des couvertures respectant parfaitement le style de ces publications, avec des titres comme La maison hantée, Dévorée vive, Le sang de la gorgone, La crypte maudite, j'en passe et des meilleurs. J'ai adoré l'idée ! L'héroïne est Karen, mal dans sa peau, qui se prend pour un monstre, un loup-garou plus précisément. Elle ne rêve que d'une chose, se faire mordre pour devenir réellement un monstre et ainsi se faire respecter et nettoyer le quartier de ses petites frappes. Dans son immeuble, sa voisine Anka décède de façon suspecte, ce qui va donner l'intrigue principale : Karen enfile son costume de détective privée et va mener l'enquête. Ceci va l'amener à de nombreuses découvertes, un passé de juive en camp nazi pour Anka, des voisins étranges, et surtout des mystères familiaux avec sa mère et son grand frère Deeze. J'en resterai là pour l'intrigue afin d'éviter de trop en dévoiler, et de toute manière, ce premier volume apporte plus de questions que de réponses.
Au niveau réalisation, la narration est très particulière. Comme il s'agit d'un cahier de croquis tels qu'ils pourraient être dessinés en classe, la lecture est assez décousue. Il faut souvent prendre la page dans son entièreté, avant de comprendre comment la lire, il a des dessins dans tous les coins, des bulles et des textes dans tous les sens, je ne dis pas que c'est compliqué, mais cela nécessite un peu d'effort. Les histoires s'enchaînent, les pistes se multiplient, et l'ensemble manque parfois de cohérence ou de transitions. Il faut donc aussi s'accrocher pour garder le fil, surtout qu'il n'y a pas de pauses : c'est 400 pages pareilles. La lecture est très lente et c'est plusieurs jours qu'il faudra compter pour en venir à bout, je conçois donc aisément qu'un lecteur peine à s'immerger ou décroche complètement. Ce n'est pas une BD, c'est une œuvre complexe et lourde (et au premier degré, il faut aussi supporter le poids du bouquin :) ).
L'histoire avance assez lentement, il faut se mettre dans la tête de la gamine, qui ajoute une couche horrifique à tout ce qu'elle découvre. C'est à la fois intéressant, pour qui aime les monstres et le surnaturel, et un peu ennuyeux parce qu'il ne se passe pas grand chose de croustillant. Je vais tenir parce que je suis en admiration sur le crayonné. Surtout qu'à plusieurs reprises, Emil fait des reproductions de tableaux de maîtres, et cela en jette. C'est avant tout le visuel qui va me permettre d'amener la lecture à son terme, parce que je reconnais et apprécie l'effort !
Pour le reste, je suis touché par la situation ironique de cette gamine, qui se voit monstre alors qu'elle est relativement normale, et qui évolue dans un univers d'humains qui eux sont véritablement des monstres. Etre un monstre parmi les monstres est probablement la seule protection qu'elle ait trouvé pour faire face aux nombreuses horreurs qui parsèment son immeuble et sa famille. Je pense aussi que le contexte parlera beaucoup plus aux américains car c'est toute une époque qui est vécue : quartier populaire d'Uptown à Chicago, lutte des classes, conditions féminine, mort de Martin Luther King ...
Si je devais synthétiser, je dirais qu'il s'agit d'un OVNI créatif, qui mérite attention pour sa patte graphique particulière et réussie, et pour la très originale idée générale. Mais qui peut vous rester sur l'estomac si vous n'êtes pas préparés à lui accorder la patience nécessaire pour l'appréhender et le digérer. Ne le prenez pas comme une BD, vous passeriez à côté, prenez le comme un roman, et prenez votre temps.
Aujourd'hui 19:34 par LordTRY |
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